De la pluie?

Vendredi 19 juillet, 5h20 du matin, un bruit insolite sur les graviers, une odeur fraiche, un rideau scintillant dans la nuit finissante, de la pluie!

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Que nous, enfants gâtés des pays tempérés, puissions attendre la pluie avec tant d’impatience, et en parler comme d’un cadeau que le ciel nous ferait, à l’instar des Africains qui associent le beau temps à la pluie, est assez insolite. Mais la chaleur de cet été effraie. On comprend que lorsqu’une main invisible décide d’ouvrir la porte d’un four, nous ne sommes pas armés pour lutter. On ne peut que prier pour que ça ne dure pas. La solution est d’apprendre à vivre sous terre, mais le peut-on vraiment, au risque d’oublier que seule la surface de la terre nourrit les hommes?

Le 28 juin 2019, la France enregistre son record absolu de température1, soit 46°C à Vérargues dans l’Hérault2. Ce même jour, au sommet du pluieMont-Blanc à près de 5.000 mètres d’altitude, la température passe en une journée de -2 °C à +7 °C3. L’hiver 2018-2019 aura été particulièrement chaud : les températures du mois de février ont été supérieures de 5 à 10 °C à la normale saisonnière, le 27 février 2019 ayant été la journée d’hiver la plus « estivale » que la France ait connue depuis 1950. La France n’est pas la seule concernée, la période d’avril 2018 à mars 2019 est la période de douze mois la plus chaude jamais enregistrée en Europe et à l’échelle mondiale4. Quant à la pluie, on la cherche. Dans les régions méditerranéennes, il est tombé moins de 20 jours de pluie dans l’hiver 2018-2019, soit un déficit d’eau souvent supérieur à 50 %5.

La chaleur devient donc intenable dans nos pays tempérés au climat pourtant si paisible. On imagine aisément que ça ne va pas très bien non plus au Sahara, en Asie du sud est ou au Brésil, zones du globe particulièrement impactées par le changement climatique6. Pourtant, nous, les enfants gâtés des pays occidentaux, premiers (ir)responsables de la situation actuelle, continuons à regarder les habitants des zones transformées en fournaise ou en espace de jeu pour ouragans et tornades se dessécher sur place ou se noyer. Hum… On pourrait imaginer autre chose. Puisque la fin du monde est annoncée, pourquoi ne pas la devancer et la vivre tous ensemble ? Fixons nous un rendez-vous. Je propose l’Antarctique, été 2020 (de l’hémisphère sud). 2020 c’est une date qui sonne bien, et ça laisse le temps d’arriver. Pourquoi l’Antarctique ? Pour sa fraicheur tout d’abord, on en a tellement besoin. Mais aussi parce que c’est un continent qui n’appartient à personne. Pas de visa demandé, ni de tri à la frontière, tout le monde est à égalité sur cette étendue blanche. D’une superficie de plus de 14 000 000 km2 (soit quasiment la Russie), il est facile d’y accueillir toute la population du globe. Non on ne manque pas encore de place sur terre. Petit calcul. En 2020 nous devrions être à peu près 7,8 milliards d’êtres humains. C’est beaucoup certes, mais répartis sur ces 14 000 000 km2 cela donne une densité de population de 557 pers/km2, soit la densité d’une petite ville comme Cavaillon ou Saintes, ce qui est faible pour nous humains habitués à nous entasser les uns sur les autres. Rien à voir avec Paris (21 067 habitants par km2), Manille (43.079 habitants / km²), Shanghai (24 616 habitants au km2) ou même n’importe quelle autre ville.

Une fois arrivés, que faisons nous ? Un grand feu (chacun aura apporté quelque chose pour alimenter ce feu). Dans Amundsen-Scott-South-Pole-Station-Aurorasa douce chaleur chacun sera libre d’occuper les 24 heures de jour de l’été polaire comme il le souhaite. Précisons bien que l’Antarctique est un continent « consacré à la paix et à la science »7, toute autre activité y étant proscrite. Au moment où s’éteindra la dernière braise, il sera temps de lever la tête vers le ciel et de profiter du spectacle époustouflant des aurores australes. Car l’Antarctique n’a jamais accepté sur son sol de population humaine. Si l’on peut lui demander de supporter l’humanité le temps d’un feu de joie, il aura tôt fait de nous montrer qu’on ne lutte pas plus contre le froid extrême que contre la chaleur. Nous le rassurerons en lui disant que nous ne sommes pas venus pour lutter.

Je sens qu’on va me dire que je suis pessimiste. Bon, on peut toujours changer la date…

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1 depuis le milieu du XIXème siècle, qui correspond à la naissance de la météorologie moderne et des premières stations météo en France

2 http://www.meteofrance.fr/actualites/74345599-c-est-officiel-on-a-atteint-les-46-c-en-france-en-juin

3 https://reporterre.net/Les-canicules-ne-sont-plus-des-phenomenes-naturels

4 https://reporterre.net/La-periode-d-avril-2018-a-mars-2019-est-la-plus-chaude-jamais-enregistree-en

5 http://www.meteofrance.fr/climat-passe-et-futur/bilans-climatiques/bilan-2019/bilan-climatique-de-l-hiver-2018-2019

6 https://theconversationfrance.createsend1.com/t/r-l-jikhtdkk-djhrzhtyd-k/

7 Le Protocole de Madrid, entré en vigueur le 14 janvier 1998, précise que l’Antarctique est une « réserve naturelle consacrée à la paix et à la science »

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