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Instantané de voyage I : Salvador de Bahia

Une bouture d’Afrique sur une terre d’éden.Salvador2014/HTV/lalignedecoeur.fr

Peaux noires, murs colorés, églises exubérantes, air marin et soleil brulant. Rues pavées et rues trouées. Le bus de ville grince et fonce en demandant passage. Jésus est partout, il nous invite à lui livrer nos espoirs sous forme de petites bandelettes de couleur qui seront accrochées aux grilles des églises. Le vœu ne coûte pas cher. Les croyances sont obstinées. Et pourquoi pas d’ailleurs. La nuit personne ne traine. L’obscurité tombe rapidement, et les forces obscures au parfum de crack ou d’alcool reprennent la place.
Il y a quelque chose de simple et de sauvage dans les yeux des marchands ambulants. Dans cette belle ville il sera impossible de prendre acte de la fin d’un temps. Les époques se superposent, et les premières vivent toujours superbement. Cette ville raconte sans être didactique. Pourtant de son passé elle semble peu encline à parler. Mais des couleurs si. On en joue avec une maîtrise innée. Pas une trace de nostalgie dans le décor. On met en scène, on polit, on repeint, on arrange, et on joue la pièce avec plaisir car on est le jeu. Les temps ne finissent pas nous dit la toute première ville du Brésil, ils ne sont que matière à modeler pour le futur. Dommage pour qui viendrait ici pour oublier.

Dans la pousada la seule personne à fuir sera le français malencontreusement rencontré dans la salle commune. Installé depuis 15 ans au cœur de l’État de Bahia, loin de tout, c’est une délivrance pour lui de passer quelques jours par mois à Salvador. Il fuit ainsi son oisiveté et sa femme. Négatif et désabusé, il n’aura évoqué du Brésil que la corruption et les agressions. Mais il faut moins de cinq minutes pour comprendre qu’il est totalement imperméable à toute vie (et on aimerait penser qu’il n’en a pas été toujours ainsi…).

Pour voir Salvador, il faut évidSalvador2/2014/HTV/lalignedecoeur.fremment quitter le Pelourinho pour descendre jusqu’à la mer. Là deux possibilités: se baigner (si on est un enfant ou si on n’a pas réussi à quitter l’enfance) ou attendre la fin de la journée en buvant de la bière fraiche et désaltérante. Si une grosse pluie d’orage ne nous avait pas poussés à l’abri d’une buvette, nous aurions fait les deux…

Quando Eu Penso Na Bahia

Quando eu penso na Bahia. Caetano Veloso

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Instantané de voyage II: Au coeur de l’Etat de Bahia, la Chapada diamantina

Une nuit d’ « ônibus » et nous passons d’une ville animée, bruyante et il faut l’admettre fatigante, à un village encore endormi, sentant bon la pluie fraîche et l’air lavé. Un seul oiseau chante et dans ses modulations aucun doute c’est la langue brésilienne qu’on entend. Comme s’il avait encore fallu se prouver l’existence du lien organique entre les sons de l’environnement et la langue de ses habitants. Imparable.

A 5 heures du matin il fait nuit noire. Cela ne durera pas, le jour arrive d’un coup, comme 12 heures plus tard arrivera la nuit, sans transition. A ce Brésil « équinoxial » on ne peut reprocher que la fugacité de ses aurores et des ses crépuscules, mais peut être est ce le secret de sa capacité à aller de l’avant, et à ne pas se perdre dans la nuance incertaine et les « peut-être » interminables.

Lencois/HTV2014/lalignede coeur.frEn tous cas cette arrivée est agréable. Un peu plus loin, dans la large rue déserte, une buvette est allumée. Elle offre du café (sucré et mauvais, ne surtout pas aller au Brésil dans l’espoir de savourer leur excellent café car c’est en Europe qu’on le trouve) et des jus de fruit préparés devant vous. Les guides attendent de pied ferme. Accueillants et avenants mais business is business. Ils descendent des garimpeiros, ces chercheurs d’or et de pièces précieuses qui ont fait la richesse de la zone à la fin du XIXe siècle, plaçant le Brésil en tête de la production mondiale de diamants. Sur ces hauts plateaux sillonnés de gorges, de cascades et de morros, on prend l’air. Mais il faut d’abord s’approprier la zone, pour se débarrasser des guides hors de prix et absolument inutiles lorsqu’il s’agit d’aller aux cascades les plus proches des villages.

L’architecture des villages, des XIXe et début du XXe siècle, est très belle. Il faut se laisser charmer. Et comme on est en vacances essayer d’oublier qu’elle signifiait vie de luxe pour les uns et vie de labeur pour les autres. A qui profitait l’éclat fascinant des pierres précieuses?

Mais la Chapada diamantina, cela aura été le nom quelque peu mystérieux de la plus belle de ses vallées, qu’on se passe entre initiés, la « vale do Capaõ », une vallée de « hippies » comme nous le diront les brésiliens. On y accède par une piste, et si l’électricité arrive petit à petit jusqu’aux maisons les plus isolées, ce n’est pas le cas des réseaux de téléphone ou d’Internet. Ce qui ne surprendrait pas si en descendant du mini bus on ne tombait pas sur un village très animé aux façades peintes de larges fleurs vives ou de mandalas éclatants, rassemblant une foule de jeunes gens aux cheveux longs (dread pour les garçons) et aux robes colorées pour les filles. Sur les affiches apposées aux portes des boutiques et des pousadas, on offre massages ayurvédiques, thérapies alternatives, appels à rejoindre l’enseignement des derviches tourneurs et de Gurdjieff (on l’avait bel et bien oublié celui là…), ou celui plus discret du chamanisme indien. Fondation de l’âme, écoles, retraites méditatives, bref ici tout est tourné vers la réconciliation harmonieuse de l’homme et de la nature. Sous les cascades fraîches, dans un décor paradisiaque, les corps libres et bronzés des jeunes gens s’exposent. Ils sont ornés de tatouages très élaborés, revendication d’une filiation originelle aux peuples indigènes restés intimes avec la terre. Le syncrétisme culturel est assumé. Car si l’homme nouveau revient aux sources, il a auparavant parcouru le monde… Bien sûr tout ici est écotourisme et pour la première fois de notre voyage le bio a pignon sur rue. Étrangement j’ai enfin la sensation d’avoir traversé l’Atlantique et d’être en Amérique (avec un grand A) – jusque là j’aurais pu situer le Brésil n’importe où sur le planisphère, tant il m’apparaissait d’une singularité totale, quasi extra « terrestre ».

Sur ce panneau placé au bord d’un chemin on lit:  « Prenez soin des fleurs, vous avez besoin des couleurs ». Le ton est donné.

Chapada diamantina/HTV2014/lalignedecoeur.frLa musique dansée dans la salle de bal de la place du village est le Forro, musique populaire des habitants de la région du Nord Est du Brésil. Un extrait de cette danse, dans une version élaborée (qu’on ne verra pas sur la place du village…):

http://www.youtube.com/watch?v=N-jG44Ct0ng

 

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Instantané de voyage III: Brasilia

Brasilia/HTV2014/lalignedecoeur.frIl faut avoir vu Brasilia. Juste histoire de se dire que les méandres du cerveau humain sont bien incompréhensibles. Des hommes ont rêvé une ville nouvelle. Facile, les architectes étaient des génies, ils pouvaient tout imaginer et tout réaliser, ce qu’ils ont fait. Audace, lignes inattendues, lumière, symbolisme (ésotérisme?), espace, le projet a de l’allure. La terre, il n’y avait que ça à disposition, et l’eau n’en parlons pas, elle est dans cette contrée généreuse à en mourir. Brasilia n’est ni une ville laide, ni inconfortable, ni dangereuse (si on omet les villes périphériques), ni, ni… Les quadras, cet agencement géométrique de blocs d’habitations, de commerces et de services, sont même réellement bien pensés et fonctionnels. Ils offrent proximité et vie sociale. Mais on se demande pourquoi on s’installerait à Brasilia, au delà de la nécessité d’être sur son lieu de travail. Les diplomates et les fonctionnaires rechignent toujours à quitter Rio ou Sao Paulo. Car l’homme du XXIe siècle ne ressemble que trop à celui des siècles passés. Et on ne comprend pas bien en définitive à qui s’adresse cette urbanisation aussi radicalement futuriste. Les architectes ne se sont pas trompés de ville, ils se sont trompés d’homme! Car la ville déteste les piétons et toutes les formes archaïques d’utilisation de l’espace. L’idée même de « place du village », dans cette vision urbanistique, est totalement incongrue. Comment penser qu’au XXIe siècle nous serions encore enclins à utiliser notre propre force motrice (en l’occurrence nos jambes) plutôt que celle des machines, si bien pensée pour nous?

Pour une utopie communiste, constater que dans cette ville les salaires des fonctionnaires sont parmi les plus élevés au monde, et qu’en conséquence le revenu moyen des habitants du quartier le plus riche de Brasilia  est 16 fois supérieur au revenu minimum brésilien, laisse dubitatif. Qu’est ce qui n’a pas marché? La réalité prosaïque des hommes, l’impossibilité de penser le partage des espaces et de mélanger les classes sociales (et là l’urbaniste doit se sentir bien seul, car il n’a en définitive aucun pouvoir sur la prise en main de son projet par les hommes politiques), l’économie de marché se chargeant tranquillement du reste. On ne ressort pourtant pas brouillé avec cette cité, car elle laisse une sensation de non-ville. Une parenthèse un peu vide dans l’exploration d’un pays aussi riche que le Brésil. Comme si nous avions été au musée mais que les collections n’étaient jamais arrivées.

Preciso Me Encontrar

Preciso me encontrar. Marisa Monte (samba de Candeia)

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