Tag Archives: 8 mars

8 mars, naître femme (V)

« (..) alors je l’ai tapoté sur la pierre, l’œuf, pour le casser, et puis je l’ai épluché, et je pensais Ici c’est la reine de la nuit sur son trône, sur son trône de pierre, et puis l’œuf était tout nu maintenant et j’ai croqué dedans, et je voyais des fenêtres allumées dans la maison d’en face et j’ai pensé Est-ce qu’il y a des femmes heureuses qui habitent là, est-ce que ça existe d’être heureux quand on n’est pas libre, j’ai pensé Non, j’ai pensé, on n’est pas heureux quand on rentre dans la même maison tous les jours, et longtemps j’ai regardé les fenêtres allumées, et je pensais que moi je n’avais jamais été heureuse, et alors j’ai pensé à Paul, et puis j’ai encore regardé la maison aux lumières et j’ai pensé Si je mettais le feu à la maison, tout brûlerait, et comme ça les gens seraient libres puisqu’ils n’auraient plus de maison. Et avec quoi je mettrais le feu, j’ai pensé, Avec les lettres de Paul, j’ai répondu à ma pensée, alors là j’ai ri, j’étais bien gaie, Brûler les lettres de Paul, j’ai pensé en rouspétant de cette bête idée, ça jamais, les lettres de Paul c’est comme mon cœur, et je riais, et j’ai pensé, ça pour une bonne soirée c’est une bonne soirée (…).

Renata n’importe quoi. Catherine Gérard. Les éditions du Chemin de fer, 2021 (1967), p.96

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J’ai été femme quand je suis née

J’ai été femme quand je suis née
Partant de là
J’ai habité une peau
Caressée par les mains des étrangers
J’ai été ce piédestal qui attendait le jour
Limbé de sueur dans une petite robe jaune
J’ai été ces ongles rongés
L’étourdie silencieuse qui renversait le vin
Le corps déshabillé mesuré soupesé
Et cet étrange regard
Flottant à l’intérieur

J’ai été femme quand je suis née
Partant de là la liste serait longue
Des taches à accomplir
Énième inspection de ce qu’on me délègue
Les comptes de la journée
Les enfants et les plats
Mon visage mes cheveux mes lèvres
Mes cils et mon humeur
Les roses de mon jardin ou de mon chemisier.

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8 mars, être femme (IV)

«  – Est-ce que vous diriez que votre écriture est une écriture de femme, ou une écriture féminine ?
– Non, non, et j’ai eu beaucoup à faire avec ça bien sûr. Enfin, c’est-à-dire, je pense qu’il y a une part bien sûr qu’on peut… qui provient… qui est surdéterminée par le fait que je me sens profondément engagée en tant qu’être humain, mais comme je me sens composée de femme, d’homme, de…euh…, de bébé, de chat, de…euh…, d’arbre…
– On trouve tout ça en vous ?
– Oh oui, oui ! C’est tout ça qui écrit…
– Vous être nombreux.
– Oh oui, on est nombreuses, oui ! »

Hélène Cixous, interrogée par Adèle Van Reeth. Les chemins de la philosophie, France Culture, 3/10/2019

Derain 2
André Derain, « Samedi », 1913

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8 mars, être femme (III)

woman in corridor Lucy Raverat« […] Et donc jeunes femmes
voici le dilemme
qui est en soi une solution:
J’ai toujours été à la fois
suffisamment femme pour être émue aux larmes
et suffisamment homme
pour conduire ma voiture dans n’importe quelle direction »

 

Hard drive (extrait), Hettie Jones, 1998. Beat attitude, femmes poètes de la Beat Generation (anthologie bilingue), Éditions Bruno Doucey, 2018

Peinture : Lucy Raverat

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8 mars (II) : être femme

Conseils résumés en 50 points sur l’amour, la vie sexuelle et la vie conjugale

« La nature de la femme consiste entièrement en sexualité dans son sens large. Son mental et sa vie émotive sont un grand élan pour que cette sexualité s’accomplisse en amour, en dévotion et en maternité. C’est sa tâche la plus importante, son devoir et sa joie. (…) Beaucoup de filles écartées de force de leur profession de féminité réelle ont usé plus que leurs forces dans leurs études et leurs travaux ; elles ont été dé-féminisées, tandis que les hommes accablés par le souci et la lutte pour gagner leur vie perdirent leur jouissance de l’amour. »

Prague/HTV/lalignedecoeur.frAvant le mariage

12 N’épousez pas une personne que vous ne connaissez pas depuis quelque temps, six mois au minimum. Si possible, éprouvez votre compatibilité en passant des vacances dans le même lieu ou en voyageant ensemble.

15. Une femme ne devrait pas épouser un homme qui n’est pas bien éduqué sexuellement.

17. Il est imprudent d’épouser une personne incapable de tenir sa promesse ou qui de caractère faible s’efforcera d’y échapper par la boisson ou le jeu.

18. Une personne dont l’enfance fut malheureuse est un risque conjugal sérieux.

19. Une fille masculine et un garçon de type efféminé ne devraient pas s’épouser avant que tous deux n’aient progressé dans la caractéristique de leur sexe.

20. Une jeune fille qui veut épouser un fils unique court le risque d’être continuellement comparée à une mère supersensitive.

22. Un couple ne devrait pas s’épouser avant d’avoir eu le plaisir de se tenir les mains et de s’être embrassé. Car le baiser doit, par ses délices, attirer le désir sexuel.

23. Un baiser avec les lèvres couvertes de rouge empêche le parfait contact des lèvres et la véritable satisfaction.

Prague2/HTV/lalignedecoeur.frAprès le mariage

27. Si un homme épouse une jeune fille craintive, il ne doit pas l’approcher sexuellement avant qu’elle ne désire le faire, ni la forcer de le voir nu.

28. Chaque homme doit éviter de toucher le clitoris de son épouse, même si elle le désire. L’épouse doit apprendre à perfectionner la sexualité dans le vagin.

30. Pendant la durée complète de l’union sexuelle, les deux partenaires doivent lui accorder leur pleine attention à l’exclusion de toute autre chose. Ils doivent être complètement relaxés et ne pas converser l’un avec l’autre.

33. Chaque femme doit savoir qu’un organe sexuel humain est très sensible et qu’il possède une sorte de vie autonome, presque indépendante de celle de la personne.

35. Durant le rapport, l’homme ne devrait pas se placer sur sa femme, mais prendre une des positions décrites au chapitre IV.

37. Il faut éviter en toute circonstance, les préservatifs anticonceptionnels en caoutchouc ou en soie, etc., empêchant l’échange électro-magnétique, ce qui provoque le blocage nerveux.

47. Quand les femmes ressentent des désirs sexuels intenses mais irréalisables comme les veuves, les divorcées ou les femmes délaissées (spécialement au moment de la ménopause), elles obtiennent généralement d’excellents résultats en prenant une injection chaude pendant le bain, une nuit sur deux, d’une durée de dix à vingt minutes, en restant confortablement dans le bain. Ajouter au robinet de la baignoire une prolonge en caoutchouc. Le courant d’eau ferme, régulier, sans à-coup, délivre ou plutôt libère les tensions de tout l’organisme laissant la femme relaxée et paisible.

49. Une affinité subtile existe entre la maladie et les désirs d’amour inassouvis. Les hôpitaux et les docteurs seraient moins surmenés si une compréhension réelle de l’amour était plus répandue, afin qu’il s’exprime mieux.

Extrait de : La perfection sexuelle. Dr. Rudolf Von Urban, Nouvelles éditions Debresse, Paris, 1962. [Sex perfection and marital happiness, DIAL PRESS, INC New York, 1949]

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8 mars (I), naître femme

« En tant que femme, je n’ai pas de pays.
En tant que femme, je ne désire aucun pays.
Mon pays à moi, femme, c’est le monde entier. »

Virginia Woolf
Trois Guinées (1938), BlackJack éditions (2012)daguérotype femme

En 1938, alors que la guerre menace, Virginia Woolf poursuit son combat pour l’émancipation féminine et récuse le monde de violence élaboré par les hommes qui se réservent tous les pouvoirs. A l’époque, l’Angleterre est l’un des rares pays à accorder le droit de vote aux femmes. Pourtant elle récuse le terme de féministe. Pour elle le féminisme en tant que mouvement n’a plus lieu d’être dès lors que les femmes ont acquis les deux droits nécessaires à leur émancipation : le droit de gagner leur propre argent (soit le droit de décider de sa propre manière de vivre) et le droit de vote (soit le droit à la citoyenneté). Ce qui invite à repenser en d’autres termes ce qu’est être femme, et de fait comment agir « en tant que femme ». Les femmes se distinguent des hommes par des siècles de différentiation sexuée appliquée à tous les domaines de la vie : « Il est rare qu’un homme soit tombé sous les balles d’un fusil tenu par une femme; la vaste majorité des oiseaux, des animaux tués l’a été par vous et non par nous. ». Prônant une pensée radicale, s’opposant aux principes d’assimilation et affirmant la richesse des différences, elle plaide pour une position équitable des femmes face à l’hégémonie masculine. Pour répondre à la question qui sert de prétexte à ce livre, adressée par un homme à une femme : « comment pouvez-vous nous aider à empêcher la guerre ? », elle passe en revue les armes que possèdent les femmes pour aider les hommes dans ce combat. C’est à la société des « outsiders », marginaux dont l’histoire s’écrit à l’ombre des valeurs dominantes comme la compétition, l’appropriation et l’exclusion, qu’elle en appelle : « Le Dictateur est là, parmi nous, dressant son horrible tête, répandant son poison, il est encore petit, replié comme une chenille sur une feuille, mais il est au cœur de l’Angleterre. […] Et la femme qui respire ce poison, qui combat cet animal, secrètement et sans arme dans son bureau, ne combat-elle pas aussi sûrement les fascistes et les nazis que ceux qui les combattent avec des armes, sous les projecteurs ? […] Ne devrions-nous pas l’aider à écraser l’animal dans notre propre pays avant de lui demander de vous aider à l’écraser ailleurs ? ».

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