Monthly Archives: mai 2015

Vent froid, trop froid

HTV/lalignedecoeur.frJ’ai déjà vu ce printemps là. Venteux, froid, désagréable. Même le feu rallumé dans le poêle ne fait pas oublier le manque de soleil. Manque indéniable de vitamine D. Besoin d’une dose, vite, pour me refaire une carapace. Une belle carapace de chair brune, imperméable à ceux qui n’ont ni parole ni regard, ni rien à trimballer dans leur boite crânienne, non pas même du vide, je le sais je l’ai vu.

Un printemps, ça avait déjà été comme ça. Temps pourri. Cerises moisissant sur l’arbre. Tomates recroquevillées sur elles-mêmes. Puis il y a eu un été, je m’en rappelle. Mais il n’est pas revenu l’année suivante. Ce n’est pourtant pas faute de l’avoir attendu. Qu’en sera-t-il cette fois ci? Si au moins le vent pouvait faire le ménage, c’est trop demander? J’ai quelques noms à donner, si besoin. Juste pour rendre service. Je me sens une âme de balayeuse ce soir. Bon voyage messieurs dames, c’est par ici la sortie, si vous voulez bien vous donner la peine de dégager du pas de ma porte. Merci. – Mais je vous en prie, tout le plaisir est pour moi.

Météo de ce 21 mai dans le sud de la France.

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Écrire la vie

Ecrire la vie/HTV/lalignedecoeur.frJe tombe par hasard sur la 4ème de couverture du dernier livre de François Bégaudeau La politesse:
« La voix du Nord demande si les deux auteurs se sentent particulièrement concernés par le thème de ce soir, Écrire la vie.
Nous nous sentons particulièrement concernés. Nous ne voyons pas ce que nous pourrions écrire d’autre. »
Ces lignes me réjouissent particulièrement. Moi aussi je veux me sentir particulièrement concernée.

Plus bas on peut lire :
« François Bégaudeau est né en 1971 à Luçon. »
Je ne sais pas où se trouve Luçon mais cette information a l’air de toute première importance. Je chercherai. On note au passage que l’auteur en question est jeune (enfin plus jeune que moi). N’étant pas sociologue je ne peux pas dire si l’année 1971 a été un bon cru pour la littérature française ; aura-t-elle été le point d’inflexion notable de l’émergence d’un nouveau style littéraire singulier contribuant aujourd’hui au rayonnement culturel de la France que je n’en saurai rien. Je constate qu’il y a beaucoup de choses qu’on ne me dit pas. Il me semble d’ailleurs m’être déjà fait ce constat.
Et puis : « Il est l’auteur de sept fictions aux Éditions Verticales : Jouer juste (2003) –un livre que j’avais lu sur un malentendu, pensant qu’il parlerait de musique [mais les livres de François Bégaudeau parlent de tout sauf de leur sujet, cela je l’ai compris après coup], Dans la diagonale (2005) – pas lu ou alors je ne m’en rappelle plus, Entre les murs (prix France Culture-Télérama 2006, adapté au cinéma par Laurent Cantet) –vu au cinéma et pas vraiment aimé, Fin de l’histoire (2007) –pas lu, Vers la douceur (2009) –offert à Noël à une amie proche, je trouvais que c’était un programme tout à fait digne d’intérêt, La blessure la vraie (2011) –j’ai cherché la blessure à chaque page sans en trouver de trace, mais à cette époque tout était prétexte à trouver un miroir à la mienne, et Deux singes ou ma vie politique –pas lu non plus ».
Et encore : 19,50 EUROS [pas donné, attendre qu’il sorte en poche -forcément il sortira en poche] ;
Illustration de couverture Philippe Bretelle [là, franchement, je ne m’étends pas pour ne pas me faire d’ennemi, mais Philippe aurait pu faire un effort] ;
www.editions-verticales.com [bien noté].
Il y a encore quelques petits signes en bas à gauche (ce fameux coin que notre œil ne voit pas, dans lequel on peut fourguer tout ce qui encombre) : des n° à rallonge, dont l’ISBN [978.2.07.014848.6]. Enfin en haut de page le nom de l’auteur et le titre du livre.

Passons maintenant aux pages intérieures. Soit 293 pages numérotées, avec une certaine bizarrerie d’ailleurs car la numérotation commence à la page 9. On se demande pourquoi les premières n’ont pas eu droit à plus d’égard, c’est injuste mais bon. Ces 293 pages sont suivies de neuf pages totalement blanches, et d’une toute dernière rappelant que le livre a bien été imprimé [une survivance ?], en quel lieu précisément, jusqu’à nous préciser en quel mois les presses ont fonctionné pour nous offrir à nous lecteur cet objet sobre et pur. Merci beaucoup petites presses. C’est bien fait, vraiment. Mais revenons à nos neuf pages blanches, qui m’interpellent vous l’avez compris… L’auteur a-t-il voulu nous laisser la place et nous faire participer à son projet d’écriture ? Qui n’est autre que celui d’écrire la vie ? J’approuve des deux mains. Je veux m’y mettre tout de suite. Neuf pages c’est du concentré, il va falloir résumer.
Mais avant de me lancer je reviens à la 4ème de couverture, car de fait je n’ai pas tout lu.
« En poussant un peu nous pourrions démontrer qu’écrire la vie est un pléonasme.
– Mais est-ce que ce n’est pas voué à l’échec ?
Nous pensons que si. »

Hé ! La chute est un peu dure. J’étais si contente.
Faut-il du coup laisser leur virginité à ces pages blanches ? Ne surtout pas prendre le risque d’y toucher ? Ne seraient-elles qu’une métaphore de notre impuissance, ou une mise en garde définitive contre toute tentative de dévoiler quoi que ce soit de la vie ? Je commence à être moins à l’aise. Si ces pages au contraire n’étaient blanches que de saturation de vie ? Si elles renfermaient toutes les vies, prêtes à nous sauter à la gorge et à nous étouffer à la première occasion ?
Mon cher François, bien loin de moi l’idée de vous incommoder car vous êtes sans doute tout à fait charmant, mais voyez-vous je crois que je n’en veux pas de votre vie. Enfin de LA vie. J’ai déjà bien du mal avec la mienne. Soyons un peu sérieux. Si écrire la vie est voué à l’échec, que dire de peindre la vie ? Ou de jouer la vie ? Ou encore de dire la vie ? De penser la vie ? Aimer la vie ? Manger la vie ? Tout est-il assurément voué à l’échec ?
Du coup, je ne suis plus très sure de vouloir lire le livre. Même par politesse. On nous appâte avec un beau programme, et puis tout s’écroule en une fraction de seconde. On connaît l’histoire. On ne me la fait plus.
« –A moins que tu aies changé d’enfance entre temps ?
– Non, pas trop. ».
Chapitre I.1, p.15.

François Bégaudeau, écrivain de la vie retranchée dans la fausse candeur de la simplicité, auteur qui joue à brouiller les pistes, ne se reconnaitrait certainement pas dans le portrait que je brosse de lui et de ses livres. Alors, pour éviter toute ambiguïté, je précise tout de suite que je vous invite chaleureusement à lire ses livres si ce n’est déjà fait.

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