Category Archives: Eyes wide shut (ou résister au pouvoir de l’autruche)

8 mars, naître femme (V)

« (..) alors je l’ai tapoté sur la pierre, l’œuf, pour le casser, et puis je l’ai épluché, et je pensais Ici c’est la reine de la nuit sur son trône, sur son trône de pierre, et puis l’œuf était tout nu maintenant et j’ai croqué dedans, et je voyais des fenêtres allumées dans la maison d’en face et j’ai pensé Est-ce qu’il y a des femmes heureuses qui habitent là, est-ce que ça existe d’être heureux quand on n’est pas libre, j’ai pensé Non, j’ai pensé, on n’est pas heureux quand on rentre dans la même maison tous les jours, et longtemps j’ai regardé les fenêtres allumées, et je pensais que moi je n’avais jamais été heureuse, et alors j’ai pensé à Paul, et puis j’ai encore regardé la maison aux lumières et j’ai pensé Si je mettais le feu à la maison, tout brûlerait, et comme ça les gens seraient libres puisqu’ils n’auraient plus de maison. Et avec quoi je mettrais le feu, j’ai pensé, Avec les lettres de Paul, j’ai répondu à ma pensée, alors là j’ai ri, j’étais bien gaie, Brûler les lettres de Paul, j’ai pensé en rouspétant de cette bête idée, ça jamais, les lettres de Paul c’est comme mon cœur, et je riais, et j’ai pensé, ça pour une bonne soirée c’est une bonne soirée (…).

Renata n’importe quoi. Catherine Gérard. Les éditions du Chemin de fer, 2021 (1967), p.96

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2024 et moi et moi et moi

2024 comme France Travail
Comme Travail Famille Patrie
Comme Le travail rend libre mon pote.
"Le travail des autres me rend libre",
Dit l’adorateur du Cac40,
"Quelle vision extatique de ce petit peuple laborieux qui ratisse les allées de ma villa
Et le livreur de cocaïne, toujours ponctuel !
Voilà un pays qui se tient sage!"
2024 comme malheur absolu pour les enfants de Gaza
Comme honte à ceux qui s’en prennent à plus faible
2024 comme humanité qui bafouille et nos yeux qui se ferment
2024ième fois « plus jamais ça », mais « ça » c’est quoi ?
2024 et moi et moi et moi… Hommes et femmes de bonne volonté... Je fais quoi moi ?
2024 fois les bras croisés ?
2024 fois la posture du lotus ?
Ou 2024 révoltes souveraines en moi ?
2024 occasions d’éprouver ma solidarité
Mon amour du monde
Ma détestation des frontières, de l’argent, de la consommation destructrice, de la guerre
Mon besoin de poésie
Et vous là-dedans ?
Être humain plus que jamais ?
C’est okay pour vous ?
On passe 2024 ensemble ?

2024 fois le bon côté de la force...
2024 routes à parcourir et autant dont il faut se détourner.
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J’ai été femme quand je suis née

J’ai été femme quand je suis née
Partant de là
J’ai habité une peau
Caressée par les mains des étrangers
J’ai été ce piédestal qui attendait le jour
Limbé de sueur dans une petite robe jaune
J’ai été ces ongles rongés
L’étourdie silencieuse qui renversait le vin
Le corps déshabillé mesuré soupesé
Et cet étrange regard
Flottant à l’intérieur

J’ai été femme quand je suis née
Partant de là la liste serait longue
Des taches à accomplir
Énième inspection de ce qu’on me délègue
Les comptes de la journée
Les enfants et les plats
Mon visage mes cheveux mes lèvres
Mes cils et mon humeur
Les roses de mon jardin ou de mon chemisier.

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Nuit palindrome

23 mars 23

« Contre toute attente, ce qui n’aurait pas dû se produire s’était produit, ce qui aurait dû se produire ne s’était pas produit.

Hors service, le vieux système à fabriquer de l’ordre. Ne restait plus que sa peur, son ébahissement, que rien ne dissimulait désormais. »

Philippe Roth. Pastorale américaine, 1997

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8 mars, être femme (IV)

«  – Est-ce que vous diriez que votre écriture est une écriture de femme, ou une écriture féminine ?
– Non, non, et j’ai eu beaucoup à faire avec ça bien sûr. Enfin, c’est-à-dire, je pense qu’il y a une part bien sûr qu’on peut… qui provient… qui est surdéterminée par le fait que je me sens profondément engagée en tant qu’être humain, mais comme je me sens composée de femme, d’homme, de…euh…, de bébé, de chat, de…euh…, d’arbre…
– On trouve tout ça en vous ?
– Oh oui, oui ! C’est tout ça qui écrit…
– Vous être nombreux.
– Oh oui, on est nombreuses, oui ! »

Hélène Cixous, interrogée par Adèle Van Reeth. Les chemins de la philosophie, France Culture, 3/10/2019

Derain 2
André Derain, « Samedi », 1913

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Et parfois on tourne sur soi-même

C’était comme un aller retour qu’on aurait déjà fait plusieurs fois. A chaque fois, connaissant mieux le chemin, nous allions plus vite. Cette vitesse nous grisait, nous stimulait.

Cela auraiIMG_20210101_012308t pu continuer toujours, si toujours était un concept. Mais toujours est un mot sans contour et c’est tant mieux, car c’est bonnes heures que ces heures à tourner sur soi-même, en tutu rose, sur des pointes homologuées par nos services de sécurité. Oui c’est bonnes heures que changer l’attraction des pôles, mettre la neige à l’envers, boire une bière fraiche avec son frigidaire -mais oui une bière, il y reste quelques unes dans les stocks stratégiques.

En définitive, ce n’est pas une grande affaire que de bafouiller, devant un cerf qui vient goûter les choux rabougris du jardin, qu’on fera mieux l’année prochaine.

Une Folia, (Follia en italien) ou Folie d’Espagne, danse apparue au XVe siècle au Portugal et thème musical repris par d’innombrables musiciens. Ici dans un superbe duo accordéon-guitare (Jean-Louis Matinier / Itamar Erez) :

La Folia Jean-Louis Matinier & Itamar Erez

Les fourmis sont ailleurs que dans mes jambes

P1090461Cher(e) …

Non je ne meurs pas d’impatience. D’ailleurs les fourmis sont ailleurs que dans mes jambes. On dit que le plus dur est à venir, mais on dit bien des choses qu’il n’est pas toujours nécessaire d’écouter.
Savez vous qu’on a changé mes yeux il y a quelques jours ? Visiblement les miens ne convenaient plus. Tout s’est fait sans douleur, une opération parfaitement réussie. Et bien, ce que je vois aujourd’hui, je dirais que c’est la même chose que ce que je voyais hier, mais en relief. Oui, les contours des objets sont rehaussés d’une fine lisière sombre, très élégante, et je peux pénétrer dans chaque couleur comme si j’ouvrais un tiroir pour y glisser la main. Étrange n’est-ce pas ? J’avais déjà le sentiment d’un monde détaché de son socle quand je rêvais. Maintenant c’est nuit et jour que ma maison flotte. Mais rien de désagréable là-dedans. Tant que le vent n’est pas trop fort évidemment.

J’ai bu ma dernière tasse de thé il y a huit jours. L’espèce était déjà largement en voie de disparition et le pillage des derniers stocks mondiaux a achevé son extinction. C’est une perte majeure pour moi. Dans quoi vais-je tremper mes Thé de Lu maintenant ? Je ne me convertirai pas au café, c’est certain. Le café, plus de 2 milliards de tasses bues chaque jour, un des produits agricoles les plus précieux au monde, des prix insolents qui flambent à la bourse de New York ou de Londres et une chaîne de valeur qui entretient voire aggrave la pauvreté des millions de petits caféiculteurs pris en étau entre torréfacteurs et négociants (mais où va l’argent ?)…
Excusez ce lyrisme, je suis parfois sentimentale. Je parlais de la dernière feuille de thé restant sur le dernier arbuste du même nom, dévorée par une chenille géante sortie d’un laboratoire souterrain d’extrême orient. Je disais que je ne savais pas comment allait s’en remettre la filière petits gâteaux. A votre avis dois-je m’en préoccuper ou puis-je passer à autre chose ? Mes nuits sont bien remplies de ces nombreuses questions que je sauve de l’asphyxie en les ramenant à la surface, mais je ne peux continuer à encombrer ma chambre de la sorte.

Comme vous le voyez, la vie ici est sans histoire. J’attends votre retour comme j’attends qu’il arrête de pleuvoir, les cerises ont éclaté cette année encore, même les oiseaux n’en veulent pas. Mais allez, tout cela est peu de chose, moins de cerises moins d’oiseaux, moins d’oiseaux moins de chats, moins de chats moins de souris apeurées. La nature est décidément prévoyante.

Je vous embrasse

Era escuro (chant sépharade). Les Fin’amoureuses. Album : Marion les roses, chants et psaumes de la France à l’Empire Ottoman, 2005

Il faisait noir comme à la minuit / quand la lune s’est dégagée, / tout était silencieux et figé dans le silence / comme un nuage dans l’obscurité.

 «Misérable, pourquoi es-tu venu maintenant? / Me rappeler ce que j’ai vécu? / Me rappeler toute ma vie?  » /- Je lui ai dit ces mots.

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Comme une envie de voyage

Tandis qu’entre les êtres humains naissent des lignes invisibles, délimitant les contours d’espaces clos et solitaires
Tandis que nos pensées rebondissent sur des portes calfeutrées
Tandis que nos imaginaires, exfiltrés du monde, s’effilochent et s’endorment

Les paysages se tiennent là, majestueux et conquérants, avec leurs oiseaux et leurs rongeurs, en paix pour une fois, leurs voies aériennes, muettes pour une fois, leurs routes, désertes pour une fois

Les routes ont un point de départ et un point d’arrivée. Entre les deux, l’espace et le temps, l’à-venir, le possible et l’imprévu, le mouvement.

Une carte postale.
La photo du recto montre une montagne rougie par un soleil tout aussi rouge, coupée par une route bordée d’herbe sèche, un coup de pinceau sombre sur la carte. Le point de départ de la route se trouve en deçà de l’image, le point d’arrivée au-delà, l’à-venir et le mouvement sur l’image.

Les destinations parallèles de la carte et de la route se croisent. L’une apporte des mots, soit la possibilité d’un lien, l’autre apporte de l’espace, soit la possibilité d’un monde.

Car sans espace le monde n’est rien; l’espace sclérosé est un espace sans potentiel, le monde sans potentiel un monde désolé.

« Le monde de la vie, c’est le monde des lieux où le désir peut prendre et se charger en réalité, c’est le monde des espaces ménagés à la vie créative. (…) Sans nul doute il y a un monde intérieur de la psyché et un monde extérieur des choses, mais il existe également un lieu où l’expérience se constitue, s’unifie, s’organise, et ce lieu n’est ni dedans, ni dehors. Ce lieu où nous vivons, au sens fort du terme, c’est-à-dire où nous faisons nos expériences, où nous nous promenons la plupart du temps, c’est l’espace potentiel. (…) L’intérieur est à l’extérieur. »
Emmanuel Belin. Une sociologie des espaces potentiels. Logique dispositive et expérience ordinaire. De Boeck Université, 291 p., 2002 (pages 89 ; 98 ; 129)

David Lynch & Lykke Li; I’m waiting here.

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Parce que les prisons

« Les prisons doivent accueillir les hommes seulement en passant, comme des hôtes. Il ne faut pas qu’elles deviennent pour les humains des demeures permanentes« . Yi-king, Hexagramme 56, « L’errant »

P1090980Si on parle du corps c’est pour se rappeler qu’on en a un, dit la femme.
Je te regarde et je ne pense rien. Je ne pense rien parce que je n’ai jamais su penser. Je pense que cette femme me demande de penser mais que rien ne me vient. Je sais bien qu’on a un corps, alors pourquoi en parler. Je ne voulais pas être mon père et je le suis devenu. J’ai pris sa place dans la lignée familiale, j’ai pris sa part d’héritage, j’ai pris sa place à côté de sa femme, ma mère. Je règne. Je règne et je ne suis pas heureux. Les prisons ne doivent pas être des demeures permanentes, mais elles le deviennent. Le corps comme les murs des maisons deviennent des prisons. On perd tout à ne pas vouloir être libre. On n’est pas libre parce qu’on attend une vie meilleure. On n’est pas libre parce qu’on n’a jamais été reconnu. On meurt de notre présomption. On meurt de notre orgueil à vouloir être vu. On meurt de ne pas accepter l’éther et la transparence.
Elle voulait un enfant et je n’en voulais pas. On meurt une fois, deux fois, dix fois dans les désirs avortés des corps inféconds. Parce qu’on aime une femme elle ne sera pas mère. On aime mal une femme qui voudrait être mère. Tant qu’on peut procréer on retient la vie. Voilà ce que raconte ton corps. Voilà ce que raconte le monde artificiel construit autour de toi. Voilà de quoi tu meurs à petit feu. Voilà ce que tu penses et ne peux dire.
« Je te rappelle qu’on a un corps ». Je regarde la femme qui me parle et je n’entends rien. La musique recouvre les paroles que je ne veux pas entendre. Je mets du silence et de la distance pour ne rien entendre. J’ai entendu quand même. Je sais construire des maisons. Je sais creuser un puits. Je sais m’occuper de ce qui me survivra. J’aurais su m’occuper d’un enfant. Je dois regretter ou partir. Mais ce n’est jamais la souffrance qui nous permet de savoir où aller. Entre les murs solides d’un jardin éternel on repousse les ténèbres. Le soleil de décembre prodigue ses caresses. Seule la terre nous nourrit pense-t-on.
J’ai eu un corps et je n’en ai rien fait. Faire l’amour comme on se perd, se perdre comme on se donne, mal et trop peu, jusqu’à redevenir fœtus craintif dormant dans les bras d’une femme qu’on ne console pas.
Elle rêvait d’un enfant et maintenant c’est trop tard. Elle me quitte, et il est maintenant trop tard pour la désirer. Je dois regretter ou partir. Regretter d’être resté là où s’est perdu mon père, partir là où il n’a pas su aller. J’ai un corps pour marcher. Un corps dépourvu d’enfant à tenir par la main. Mais un corps qui malgré tout parfois se rappelle, dans la musique ou dans l’alcool. J’ai entendu ce que tu m’as dit. Sur l’existence du corps. Mais tu ne parlais pas de moi, n’est-ce pas? Alors toi, toi et ton corps, de quoi vous rappelez-vous ?

HTV

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De la pluie?

Vendredi 19 juillet, 5h20 du matin, un bruit insolite sur les graviers, une odeur fraiche, un rideau scintillant dans la nuit finissante, de la pluie!

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Que nous, enfants gâtés des pays tempérés, puissions attendre la pluie avec tant d’impatience, et en parler comme d’un cadeau que le ciel nous ferait, à l’instar des Africains qui associent le beau temps à la pluie, est assez insolite. Mais la chaleur de cet été effraie. On comprend que lorsqu’une main invisible décide d’ouvrir la porte d’un four, nous ne sommes pas armés pour lutter. On ne peut que prier pour que ça ne dure pas. La solution est d’apprendre à vivre sous terre, mais le peut-on vraiment, au risque d’oublier que seule la surface de la terre nourrit les hommes?

Le 28 juin 2019, la France enregistre son record absolu de température1, soit 46°C à Vérargues dans l’Hérault2. Ce même jour, au sommet du pluieMont-Blanc à près de 5.000 mètres d’altitude, la température passe en une journée de -2 °C à +7 °C3. L’hiver 2018-2019 aura été particulièrement chaud : les températures du mois de février ont été supérieures de 5 à 10 °C à la normale saisonnière, le 27 février 2019 ayant été la journée d’hiver la plus « estivale » que la France ait connue depuis 1950. La France n’est pas la seule concernée, la période d’avril 2018 à mars 2019 est la période de douze mois la plus chaude jamais enregistrée en Europe et à l’échelle mondiale4. Quant à la pluie, on la cherche. Dans les régions méditerranéennes, il est tombé moins de 20 jours de pluie dans l’hiver 2018-2019, soit un déficit d’eau souvent supérieur à 50 %5.

La chaleur devient donc intenable dans nos pays tempérés au climat pourtant si paisible. On imagine aisément que ça ne va pas très bien non plus au Sahara, en Asie du sud est ou au Brésil, zones du globe particulièrement impactées par le changement climatique6. Pourtant, nous, les enfants gâtés des pays occidentaux, premiers (ir)responsables de la situation actuelle, continuons à regarder les habitants des zones transformées en fournaise ou en espace de jeu pour ouragans et tornades se dessécher sur place ou se noyer. Hum… On pourrait imaginer autre chose. Puisque la fin du monde est annoncée, pourquoi ne pas la devancer et la vivre tous ensemble ? Fixons nous un rendez-vous. Je propose l’Antarctique, été 2020 (de l’hémisphère sud). 2020 c’est une date qui sonne bien, et ça laisse le temps d’arriver. Pourquoi l’Antarctique ? Pour sa fraicheur tout d’abord, on en a tellement besoin. Mais aussi parce que c’est un continent qui n’appartient à personne. Pas de visa demandé, ni de tri à la frontière, tout le monde est à égalité sur cette étendue blanche. D’une superficie de plus de 14 000 000 km2 (soit quasiment la Russie), il est facile d’y accueillir toute la population du globe. Non on ne manque pas encore de place sur terre. Petit calcul. En 2020 nous devrions être à peu près 7,8 milliards d’êtres humains. C’est beaucoup certes, mais répartis sur ces 14 000 000 km2 cela donne une densité de population de 557 pers/km2, soit la densité d’une petite ville comme Cavaillon ou Saintes, ce qui est faible pour nous humains habitués à nous entasser les uns sur les autres. Rien à voir avec Paris (21 067 habitants par km2), Manille (43.079 habitants / km²), Shanghai (24 616 habitants au km2) ou même n’importe quelle autre ville.

Une fois arrivés, que faisons nous ? Un grand feu (chacun aura apporté quelque chose pour alimenter ce feu). Dans Amundsen-Scott-South-Pole-Station-Aurorasa douce chaleur chacun sera libre d’occuper les 24 heures de jour de l’été polaire comme il le souhaite. Précisons bien que l’Antarctique est un continent « consacré à la paix et à la science »7, toute autre activité y étant proscrite. Au moment où s’éteindra la dernière braise, il sera temps de lever la tête vers le ciel et de profiter du spectacle époustouflant des aurores australes. Car l’Antarctique n’a jamais accepté sur son sol de population humaine. Si l’on peut lui demander de supporter l’humanité le temps d’un feu de joie, il aura tôt fait de nous montrer qu’on ne lutte pas plus contre le froid extrême que contre la chaleur. Nous le rassurerons en lui disant que nous ne sommes pas venus pour lutter.

Je sens qu’on va me dire que je suis pessimiste. Bon, on peut toujours changer la date…

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1 depuis le milieu du XIXème siècle, qui correspond à la naissance de la météorologie moderne et des premières stations météo en France

2 http://www.meteofrance.fr/actualites/74345599-c-est-officiel-on-a-atteint-les-46-c-en-france-en-juin

3 https://reporterre.net/Les-canicules-ne-sont-plus-des-phenomenes-naturels

4 https://reporterre.net/La-periode-d-avril-2018-a-mars-2019-est-la-plus-chaude-jamais-enregistree-en

5 http://www.meteofrance.fr/climat-passe-et-futur/bilans-climatiques/bilan-2019/bilan-climatique-de-l-hiver-2018-2019

6 https://theconversationfrance.createsend1.com/t/r-l-jikhtdkk-djhrzhtyd-k/

7 Le Protocole de Madrid, entré en vigueur le 14 janvier 1998, précise que l’Antarctique est une « réserve naturelle consacrée à la paix et à la science »

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8 mars, être femme (III)

woman in corridor Lucy Raverat« […] Et donc jeunes femmes
voici le dilemme
qui est en soi une solution:
J’ai toujours été à la fois
suffisamment femme pour être émue aux larmes
et suffisamment homme
pour conduire ma voiture dans n’importe quelle direction »

 

Hard drive (extrait), Hettie Jones, 1998. Beat attitude, femmes poètes de la Beat Generation (anthologie bilingue), Éditions Bruno Doucey, 2018

Peinture : Lucy Raverat

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Genre

Genre tous les jours y’a la vaisselleP1090420

Genre recours au chocolat noir

Genre qu’est ce que tu vaux, toi, qu’est ce que tu vaux?

Genre je me dis que pas grand chose mais je ne le dis pas

Genre y’a d’la colère dans l’air aujourd’hui, ça pulse

Genre ça ne s’arrêtera pas avec l’âge

Genre contrôle technique. Ma voiture pollue? Non, mais le voyant anti pollution est allumé. Mais ma voiture pollue? Non, mais la machine dit qu’il y a un problème avec le système anti pollution. Mais en vrai de vrai, de la réalité vraie qu’on peut toucher et mesurer, elle pollue? Non. Alors vous me donnez le contrôle technique? Non. Et si ma voiture n’avait pas eu de voyant de détection de défaillance potentielle du système anti pollution (comme ma très vielle voiture précédente juste exemple), vous me l’auriez donné? Oui.

Genre ça ne serait pas un peu le nerf de la colère tout ça?

Météo de ce samedi 19 janvier dans le sud de la France

Antidote :

Agnès Obel. On Powdered ground. Album Philarmonics, 2010

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CQFD

DSC_0260« Avant on connaissait beaucoup de monde, pourquoi, parce que l’café ! […]Moi ça fait des années et des années que j’fréquente plus les cafés donc… […] Le fait de pas aller au café… Mais 1€20 moi je peux plus. J’ai dépensé des fortunes dans les cafés, mais même maintenant, leur donner 1,20€, j’peux pas, j’peux plus. Ben non… Même 1 par jour, voyez, ça fait plus de 30 € dans l’mois. Comme j’compte à l’euro près maintenant, non non ! […] Pourtant y’en a des cafés là où j’pourrais m’arrêter, non… […] La vie est bizarre quand même. »

Freddy, 55 ans, Chambon/ Voueize, Creuse, 2013

Oubliés de nos campagnes Écoutez le portrait sonore de Freddy (1’59) en cliquant sur l’image. « Oubliés de nos campagnes », une exposition réalisée par le Secours Catholique et l’agence MYOP, 2013. http://oubliesdenoscampagnes.org

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Berceuse pour les anges échoués

14049993015_2c0f-70315On ne dira jamais assez que la mer est grande, trop grande pour l’homme qui pourtant s’y confronte corps et âme, y laissant parfois son corps pour garder son âme, quand la mer est une frontière entre l’impossible et le peut-être possible.
On ne dira jamais assez que lutter contre la mer c’est refuser le monde des abysses pour celui du ciel, car l’homme n’a pas de branchies n’est-ce pas? Obéissant à Poséidon, la mer et ses « chemins humides » barrent à Ulysse la route du retour. Prisonnier errant, Ulysse ne s’extraira de la mer que grâce à la protection de la déesse Athéna. Aux prises à une dernière tempête dont Athéna le sauvera, il pensera qu’il eut été moins « atroce » de mourir devant Troie que dans ces vagues « épouvantables ».
Près de 3000 ans après Homère, mourir en mer est toujours aussi atroce. Près de 3000 ans après Homère ne pas porter secours à des hommes piégés par la mer relève toujours de la même barbarie.

L’Aquarius repart en mer
« L’Aquarius, le navire affrété par l’organisation européenne de sauvetage en mer SOS MEDITERRANEE et opéré en partenariat avec Médecins Sans Frontières (MSF), repart en mer car des êtres humains continuent à perdre la vie en tentant de fuir l’enfer libyen. Il repart en mer car le sauvetage est son devoir, sa responsabilité, sa mission et celle des marins à son bord. C’est aussi le devoir de tous les autres bateaux qui naviguent en Méditerranée centrale et de leurs équipages. (…) Certains disent qu’il serait complice du drame humanitaire qui se déroule en Méditerranée, c’est faux. Son seul et unique objectif est de sauver des vies en mer : empêcher que des femmes, des hommes et des enfants ne se noient. (…) En toutes circonstances, il se référera à son devoir supérieur de porter assistance. De fait, si ayant connaissance d’une embarcation en détresse, l’autorité maritime compétente lui donne ordre de ne pas s’approcher ni assister – comme cela a déjà eu lieu au cours des derniers mois, il ne se conformera pas à ces instructions de non-assistance à moins d’avoir la certitude que tous les autres moyens disponibles sont mis en œuvre pour sauver les personnes en danger et pour les mettre à l’abri dans un lieu sûr. De même, s’il reçoit instruction d’attendre alors que le danger est imminent et qu’il a la possibilité de sauver des personnes d’une noyade certaine, il ne pourra pas attendre. »
Communiqué de la Cimade, 1er août 2018
https://www.lacimade.org/500-personnes-sont-onboardaquarius/

Berceuse pour les anges échoués.
Composition et chant ; Hélène Tallon-Vanerian
Guitare : Patrick Villanti

Cartographie : Morts en tentant de franchir les frontières de l’Europe, Philippe Rekacewicz, 2013
https://visionscarto.net/la-mediterranee-plus-loin

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Convergence des doutes

Convergence des doutes2Vendredi matin, 11 heures, bureau de poste d’un petit bourg. Deux guichetières font leur travail, derrière un comptoir ouvert qui laisse place à l’échange direct. L’une d’elle est visiblement nouvelle à la Poste car sa collègue la guide pas à pas dans les procédures informatiques et les réponses qu’elle adresse aux clients.

A côté de moi un homme s’avance vers l’employée novice et demande à retirer de son compte épargne 1700€. Dans ces terres reculées, c’est déjà une somme. Il est avec sa compagne. Lui a les cheveux longs tirés en arrière, elle a la peau noire. Ils ne sont pas d’ici, c’est clair. L’employée expérimentée s’arrête de me servir et se tourne vers sa collègue, lui disant à mi voix de vérifier s’ils sont domiciliés dans cette agence, car elle ne les connais pas. Cette dernière s’exécute et tape le n° de la carte de retrait qui lui a été présentée. Elle confirme qu’ils ne sont pas enregistrés dans ce bureau. L’employée en chef, qui a pris les choses en main, dit alors à l’homme que dans ce cas il ne peut retirer que 800 €. S’engage un échange vif entre eux. L’homme répète qu’il a besoin de 1700€, et qu’il ne voit pas de quel droit on lui interdit de retirer cet argent, bien présent sur son compte. L’employée lui dit qu’il est bien sûr libre de disposer de la totalité de son argent, mais dans son agence uniquement, et qu’il n’a qu’à faire sa demande là-bas. La réponse semble totalement incongrue à l’homme qui vient visiblement de loin. Il dit qu’ils viennent de déménager, qu’ils ont même fait leur changement d’adresse à La Poste, et qu’il a vraiment besoin de cet argent… La postière lui indique alors que si cette somme est destinée à un achat ciblé, il existe d’autres systèmes de paiement, de banque à banque par exemple. L’homme dont la colère est montée d’un cran lui répond que ce n’est pas à la banque de décider de la manière dont il paye ce qu’il achète, ni de contrôler ses transactions, qu’il n’est pas encore interdit de payer en argent liquide, qu’il refuse d’être l’otage d’un système liberticide, édifié pour servir l’intérêt de la banque au dépens de celui de l’usager, etc. Ses arguments font mouche. Dans la petite salle de l’agence les personnes qui patientent en silence lui donnent implicitement raison, tout comme l’employée béotienne qui découvre l’envers du décor de l’organisation dans laquelle elle travaille. La chef s’est retranchée derrière son impuissance et ne répond rien. La novice lui vient en aide en expliquant à l’homme d’un ton que l’on sent sincèrement désolé qu’elle et sa collègue ne peuvent rien faire, la machine ne délivrera pas plus que la somme maximale autorisée. Elle lui suggère une combine pour contourner l’interdiction, le transfert d’argent de son compte épargne vers son compte courant. Qu’il peut faire de chez lui.  Qu’il y a néanmoins là aussi un retrait maximum autorisé de 1200€ dans son cas et qu’il doit donc veiller à laisser au moins 500€ sur son compte épargne. Que le délai de transfert est de 48h. Qu’il pourra revenir retirer le tout à l’agence  lundi, vu que la Poste est fermée le dimanche, c’est à dire dans trois jours…

L’homme est intelligent et a parfaitement compris qu’il n’obtiendra pas son argent aujourd’hui. Que l’argent d’un quidam sur un compte bancaire devient l’argent du banquier. Que les besoins d’un individu ne comptent pour rien dans un système financier spéculatif. Que le moindre mouvement d’argent d’un petit épargnant est scruté à la louche, tandis que des millions d’euros peuvent s’évaporer sans trace…

– Alors, on n’a vraiment plus d’autre choix que la révolution? lâche-t-il avant de partir.

Dans le petit bureau de poste, personne ne l’aura contredit.

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